… Le virage arrivait à toute vitesse. Il n’avait pas le temps de ralentir, et encore moins celui de négocier le virage sur l’engin qu’il ne parvenait pas à contrôler. Pour se préparer au pire, il ferma les yeux et rentra la tête dans les épaules. Tous ses muscles étaient tétanisés, tendus dans l’attente du choc inévitable. La route faisait un angle droit et était bordée de grands fossés herbues ; ça, c’était plutôt une bonne chose. Ce qui l’était moins c’était la présence des orties qui proliféraient à cet endroit. La roue avant du vélo se planta dans la terre du bas coté, et dans une figure toute aérienne, bascula sur lui même en projetant le garçon dans le fossé.
Le tapis d’herbes hautes amortit sa chute en l’accueillant de tous ses poils urticants. Groggy par son vol plané il resta un moment sans plus savoir ou il était. Seul lui parvenait le bruit des pas de son grand père qui accourrait en gueulant « Hé, ho… ça va ? ça va ?… ». Il sentit deux bras puissant l’empoigner et le secouer dans tous les sens ce qui acheva de lui faire reprendre ses esprits. A dix centimètres de son visage il voyait la grosse face rouge de son grand père que déformait un rictus ou se mêlaient l’inquiétude et l’exaspération. « Hé ho, ça va ? … répond moi bon sang… t’as rien ? » . Il regardait le vieux, l’air hagard, et il finit par articuler deux mots après un silence interminable: « … ça pique… ».
Dix minutes plus tard, dans la fraîcheur de la cuisine remplie du parfum des légumes en train de mijoter tranquillement sur le feu, la grand mère était penchée sur Fabien. Elle le badigeonnait d’un baume qui était sensé apaiser les élancements dues aux piqûres d’orties dont il était couvert. Elle ronchonnait ; à moitié pour elle même et à moitié à l’intention du grand père assis à l’autre bout de la table, la casquette rejetée sur l’arrière de son crâne, qui se remettait à grand peine du fou rire qu’il n’arrivait pas à contenir. « punaise de punaise » disait-elle « Il a fallu que cette vielle bourrique me l’envoie valdinguer dans le fossé. Et ça le fait rire en plus. Quelle idée, mais quelle idée de le forcer à monter sur cette vieille bécane déglinguée… ». Le regard du gosse naviguait entre sa grand mère, bougonnant, les sourcils froncées, et son grand père, hilare, affalée sur sa chaise. Malgré la douleur lancinante qui montait de tous ses membres, il ne put s’empêcher de sourire, et finalement, d’éclater de rire. Entre deux grimaces il entendit la vieille s’exclamer : « Maintenant, il rigole lui avec! Non, mais vous êtes vraiment qu’une paire de branquignols. »
- Tu sais que t’aurais pu te tuer ou te faire très mal, ajouta-t-elle au gamin en frottant un peu plus vigoureusement la crème sur ses jambes poinçonnées d’une multitude de petits point rouges.
- Mais J’AI très mal, protesta-t-il entre deux gloussements nerveux.
- Et puis il pas mort, ajouta le grand père. On a la peau dure dans la famille.
- Ho, parle pour toi. c’est sur que toi t’es une veille carne coriace.
- Oui, et bien la vielle carne, elle va de ce pas dans son jardin ramasser les tomates que tu sera bien contente de servir ce soir. En disant cela, il se leva en prenant un air faussement indigné et sorti de la maison sur un dernier éclat de rire qu’il ne put contenir plus longtemps.
Après s’être fait bichonné comme il se devait, il avala un goûter qui finit de lui faire oublier sa mésaventure. Un grand bol de lait sucré refroidi par des glaçons et dans lequel des morceaux de pains avaient étés mis à imbiber. Il aimait ce migeot au lait que lui avait fait découvrir sa grand mère et qui n’était jamais aussi bon que dévoré dans ce cadre champêtre. Le ventre calé il sortit sans but précis et passa devant le vélo abandonné dans un coin de la cour, sans lui jeter un regard. Il n’était pas près de remonter sur un deux roues de sitôt. Ne sachant pas quoi faire, il s’assit sur le bord de la route et resta à lézarder au soleil en jetant des petits cailloux sur le tronc d’un arbre planté de l’autre coté de la chaussée. Il essayait de viser toujours au même endroit, au niveau de la plaie bordée d’un bourrelet de sève séchée qu’avait laissé une branche coupée. Au fil de ses munition il gagnait en adresse et parvenait à toucher sa cible presque à chaque fois. Soudain, débouchant du virage maudit, il vit quelqu’un qui venait dans sa direction. Ce n’est que lorsqu’il fut presque arrivé à sa hauteur qu’il reconnut le fils de la « folle », comme on l’appelait dans le hameau. On la nommait ainsi car elle ne sortait pratiquement jamais de sa maison dont elle gardait les volets toujours clos. Il ne l’avait vu que deux ou trois fois et ne pu réprimer un petit frisson au souvenir de son air négligé et sale, traînant en chaussons et robe de chambre dans son jardinet quasiment laissé à l’abandon. C’était surtout la façon qu’elle avait eue de le fixer quand il était passé devant chez elle qui l’avait marqué. Connaissant son surnom et sa réputation, il ne s’était pas attardé et avait vite passé son chemin. Elle avait un fils un peu plus âgé que Fabien qui s’appelait Bruno. Il devait avoir onze ou douze ans. C’est lui qui s’avançait sur la route en traînant les pieds, raclant ses semelles sur la chaussée caillouteuse. Fabien fit semblant de s’absorber dans la contemplation des nuages en attendant qu’il passe mais ne put s’empêcher de l’observer à la dérobée. Plus petit que lui même s’il était plus vieux, il avait le visage halé de ceux qui passent le plus clair de leur temps dehors. Ses cheveux étaient noir de geais, coupées courts. Il portait un t-shirt blanc sans manche qui dévoilaient ses bras et ses épaules. Ses mains étaient enfoncées dans un bermuda taillé dans un vieux jean. Il marchait nonchalamment en regardant droit devant lui. Fabien pensait qu’il allait passer devant lui sans lui accorder un regard mais il s’arrêta soudain à sa hauteur et le détailla de la tête aux pieds. Il ne sut pas expliquer pourquoi ce regard le troubla et fit s’accélérer les battements de son cœur. Il mis ça sur le compte de sa timidité envers les gens en général. Sentant monter la gène d’être ainsi dévisagé, il se força quand même à soutenir le regard du garçon debout devant lui. Au bout d’un moment qui lui parut atrocement long, Bruno fit un geste du menton pour désigner les jambes de Fabien et lâcha : « Qu’est ce qui t’es arrivé ? t’es couvert de marques.
- Ho, ça… c’est rien, je me suis planté en vélo dans des orties. Répondit-il en essayant de prendre un air dégagé.
- Ah… Ok, ben c’est pas de bol. »
Il avait dit ça d’un ton tellement plat que Fabien ne sut si la phrase était ironique ou non. Avant qu’il puisse ouvrir la bouche pour dire quelque chose, Bruno lança un « Bon, ben j’y vais. Salut », et sans attendre de réponse, se détourna et repris son chemin, les mains toujours dans les poches, les semelles reprenant leurs raclements sur la route.
Fabien resta un moment à regarder le dos du garçon qui s’éloignait, ne parvenant pas à mettre de mots sur le trouble que lui avait provoqué ces quelques paroles échangées. Alors qu’il était encore perdu dans ses pensées, il n’entendit pas une voix haut perchée qui s’élevait dans son dos : « Alors m’sieur grillon, qu’est ce que tu fais assis sur le bord de la route à gober les mouches ? ... Hé... je te parle. Tu m'entend?»...
* * *
...« Vous m’entendez ? »
La question me fait brusquement sortir de ma rêverie et je me retourne. Sur le siège voisin, une dame désigne le ticket que je tiens a la main.
« Je crois que ç’est à votre tour. Ils appellent votre numéro ». Voyant que le compteur affiche effectivement le chiffre 147, je me lève précipitamment et je bredouille des remerciement à la dame qui m’a tiré de mes songes. « De rien, répond-t-elle dans un sourire de complicité. C’est moi qui devrait m’excuser de vous avoir ramené à la réalité. Vous aviez un sourire sur les lèvres qui me laisse à penser que l’endroit ou vous étiez parti était beaucoup plus agréable qu’ici. Je me trompe ?
- Non, vous avez vu juste. »
Je lui rend son sourire en la remerciant encore et je me dirige vers le box. Je tend ma carte vitale à l’employé en lui disant que j’ai rendez-vous au service de maladies infectieuses. Sans me décrocher un mot, il se met à consulter son ordinateur. Tandis qu’il met à jour mon dossier et qu’il tire sur son imprimante les étiquettes autocollantes qui serviront à identifier la dizaine de tube de sang que l’on ne manquera pas de me prélever lors de mon bilan, je repense à tous ces souvenirs qui resurgissent depuis tout à l’heure. Avec le recul, il est évident que le trouble que j’ai ressenti lors de ce premier contact avec Bruno était de l’attirance mais je ne parvenais pas encore à me l’expliquer avec la candeur de mes neuf ans.
Je reprend ma carte vitale et les étiquettes et je souhaite une bonne journée à l’employé qui me répond à peine. Il a déjà appuyé sur le bouton pour appeler le numéro suivant, le 148.
Je prend la direction d’un couloir sur la gauche pour me rendre dans le service des « maladies infectieuses et tropicales » qui, malgré le pluriel dans son nom, est à quatre vingt dix pour cent dédié à une seule maladie : la mienne. Alors que je longe les longs couloirs une petite angoisse familière monte en moi. Avec le médecin nous allons décortiquer ensemble mes derniers résultats. Ce coup ci, seront ils bons ou mauvais ? A la longue je devrais être habitué à la découverte de ces résultats mais c’est à chaque fois un léger stress. Je lirai avec appréhension les chiffres qui ligne après ligne vont impudiquement, froidement et implacablement livrer mon taux de charge virale, mon taux de défense immunitaire, mon taux de cholestérol, mon taux de ci et mon taux de ça. J’ai cette vague impression d’angoisse qui rappelle celle que j’avais, étudiant, en allant chercher les résultats de mes examens à la fac. A la différence près que pour ceux la, je ne suis pas responsable des bonnes ou des mauvaises notes que je vais découvrir. Les bonnes notes ne seront pas dues à un travail acharné dont je pourrai être fier, pas plus que je pourrai m’en vouloir de ne pas avoir donné le meilleur de moi si les notes sont mauvaises. Je n’aime pas cette impuissance devant ces résultats que ma seule volonté ne peut influencer. Même si ces chiffres me concernent ce n’est pas moi que l’on note : c’est le travail de ce microscopique hôte que j’abrite et à qui j’offre, contre ma volonté, le gîte et le couvert.
Le couloir est interminable. Les murs blancs et froids sont à peine réchauffés par le maigre soleil de janvier qui s’efforce à entrer par les grandes fenêtres perçant le mur à intervalles réguliers. Combien de personnes ces murs voient ils passer tous les jours, la même mine renfrognée, allant voir les mêmes médecins ? Combien de personnes foulent le dallage de ce couloir avec la même angoisse de découvrir ou ils en sont de leur déchéance physique ? Dans ma tête, d’autres chiffres se bousculent et je me livre à de petits calculs. En France, il y a environ 150 000 personnes atteintes. Soit environ une personne sur 400 si j’arrondi la population française à 60 millions. Sachant que Montpellier compte à peu près 250 000 habitants, 400 000 si je compte toute l’agglomération, cela représente statistiquement entre 600 et 1000 personnes touchées qui sont susceptibles de faire le même trajet que moi, dans ces couloirs. Bien évidemment c’est une statistique. A ce chiffre il faudrait enlever le pourcentage de ceux qui ne se savent pas concernés et qui ne sont donc pas suivis, le pourcentage de ceux qui ne veulent pas se faire suivre médicalement, le pourcentage de ceux pour qui la maladie a gagné trop de terrain et qui n’ont plus la force de marcher dans ce couloir, et ainsi de suite. Au final je ne saurai jamais combien de gens sont dans le même cas que moi, mais ces gymnastiques mathématiques m’occupent l’esprit. Ce serait d’ailleurs un bon problème de calcul mental à soumettre aux jeunes élèves plutôt que de les faire plancher sur des baignoires qui fuient et se remplissent ou des trains qui se croisent en roulant à des vitesses différentes. Les messages de préventions et d’informations intégrés à l’abstractions des cours auraient peut être une plus grande portée que des spots de pub à la télé.
Au bout du couloir je néglige l’ascenseur et je prend l’escalier jusqu’au premier étage. Arrivé dans le cœur du service je me dirige tout droit vers le bureau d’accueil. Dans la pièce, je suis reçu par une infirmière sans âge qui me gratifie d’un grand sourire.
- Bonjour, j’ai rendez vous à 9h.
- Très bien, avec qui aviez vous rendez-vous ?
- A vrai dire, je ne connais pas son nom, c’est le remplaçant du Dr Gorzha.
- Très bien, oui oui, Mr Gorzha est parti le mois dernier, c’est donc le docteur Reden que vous allez voir pendant quelques temps.
- Pendant quelques temps ?
- Oui. Vous savez, ici, la plupart des médecins ne restent jamais très longtemps. Ce sont de jeunes chefs de cliniques qui font leurs armes dans ce service et qui partent ensuite.
- C’est rassurant.
- Pardon ?
- Pour nous… c’est rassurant, de savoir que les médecins sont la en transition et qu’ils ne restent pas je veux dire.
- Je ne comprend pas. Vous trouvez vraiment ça rassurant?
- Non, c’était ironique.
- Ha…
- J’espère que je ne suis pas trop en retard, j’ai perdu du temps en bas pour faire faire mes étiquettes.
- Vous en faites pas. Même si les médecins changent, ils sont toujours aussi peu à l’heure.
- Je sais bien, je demandais juste par politesse.
- Vous êtes un rigolo vous.
- Vous pouvez pas savoir à quel point.
Toujours en souriant, elle m’invite à aller attendre le médecin. Dans le couloir, je m’assois sur une des chaises qui sont disposés de place en place le long du mur, en face des différentes portes ornés du nom des praticiens qui y officient. Il est 9h15 et je dois encore attendre. J’ai gagné un étage par rapport à tout à l’heure. J’ai la flemme de sortir mon bouquin sur lequel je pourrai me concentrer plus facilement ici que dans la foule du rez-de-chaussée. A la place, je laisse mon esprit vagabonder, et sans le vouloir je remonte à nouveau le temps pour me retrouver vingt ans plus tôt, assis sur un bord de route en train de regarder s’éloigner ce garçon qui a bien des égards ne m’avait pas laissé indifférent...
* * *
...« Alors m’sieur grillon, tu m’entends ? »
Fabien arracha son regard du dos de Bruno qui tanguait au rythme de sa marche. Il se tourna vers l’endroit d’ou lui parvenait la voix et mis sa main en visière au dessus de ses yeux pour se protéger du soleil et pour pouvoir discerner quelque chose. En contre jour, il vit la fillette qui l’avait interpellé. Francette se tenait accroupie en haut du talus et lui faisait signe. « Qu’est ce que tu fais assis au bord de la route ? lui dit-elle
- Rien du tout, répondit-il en reprenant ses esprits et en chassant Bruno de ses pensées.
Elle dévala la petite pente pour le rejoindre et lui demanda si il voulait venir avec elle. Sa mère lui avait demandé d’aller chercher les œufs dans le poulailler et elle trouvait ça barbant de le faire toute seule «Ca sera plus drôle si tu viens avec moi » argua-t-elle. Il accepta et se leva pour la suivre. Elle marchait devant lui, sa robe bleue imprimée de petites fleures jaunes voletait doucement au vent tandis qu’elle trottinait. Fabien marchait derrière, en regardant ce bout de tissu onduler au rythme de ses pas, découvrant ses mollets blancs. De temps en temps elle se retournait en gloussant pour lui jeter un coup d’œil et s’assurer qu’il suivait toujours.
- Je t’ai vu faire ta cascade en vélo tout à l’heure, dit elle soudain. J’espère que tu t’es pas trop fais mal.
Fabien, qui avait au moins espéré que son exploit minable n’avait pas eu de témoin essaya de se trouver des excuses.
- Ouais, c’est à cause du vélo. Il est trop vieux, et il a plus de freins, mentit-il.
Elle gloussa de nouveau tandis qu’ils s’engageaient dans la cour de la ferme qu’ils traversèrent pour se rendre vers un bâtiment fait de planches grises et disjointes. C’était un vestige d’un vieux hangar à la peinture écaillé dont la porte avait été remplacée par un grand cadre grillagé par lequel on apercevait les allers et venues des volatiles. Ce n’était pas la première fois qu’il venait à la chasse aux œufs dans ce hangar. Il aimait bien ça car c’était vraiment comme une chasse au trésor : il fallait chercher les petits coquilles jaunes dans la paille, la ou les poules s’étaient cachées pour pondre. Il y avait des dizaines de ballots de paille empilés qui formaient des étages et des palier à escalader, des coins et des recoins à examiner avec attention pour trouver chaque œuf dissimulé. A leur entrée, les poules s’excitèrent et se mirent à courir dans tous les sens en poussant des gloussements aiguës. Pendant un long moment ils s’appliquèrent à chercher consciencieusement les œufs qu’ils rangeaient avec précaution dans un panier. Mais vite lassés par ce jeu, la chasse au trésor se transforma en une partie de cache-cache dans la paille. Ils s’enfouissaient sous les fétus et lorsque le bruissement des tiges trahissaient leur présence, ils se mettaient à se courir après au milieu des caquètements apeurés. A bout de souffle, ils finirent par se laisser tomber l’un à coté de l’autre sur l’épais tapis de chaume. Ils restèrent ainsi un moment à essayer de reprendre leur respiration, sans parler, en contemplant le toit aux planches disjointes qui laissaient passer des rais de lumière dans lesquels dansaient la poussière. Ils étaient si proche l’un de l’autre qu’ils sentaient la chaleur de leur petit corps, et soudain, tandis qu’elle cherchait une position plus confortable, le bras de Francette vint se coller innocemment à celui de Fabien. Le contact de cette peau contre la sienne le fit tressaillir légèrement sans qu’elle s’en aperçoive.
« Tu repars quand ? » dit elle en rompant le silence qui s’était installé dans le hangar.
- Je suis encore ici pour une semaine, répondit-il.
Elle garda le silence un moment avant de reprendre, comme si elle réfléchissait à ce qu’elle allait dire.
- C’est dommage. J’aime bien quand tu es la… Je.. j’aime bien être avec toi.
Fabien se tourna sur le coté, se redressant sur son coude, et mis sa tête en appui dans la paume de sa main pour pouvoir regarder la petite fille couchée à ses cotés. Il la dévisagea un long moment, la phrase qu’elle avait dite la révélait sous un autre jour. Elle gardait les yeux fixés sur le plafond et n’osait pas s’en décrocher pour se tourner vers lui. Il n’avait jamais considéré Francette comme autre chose qu’une petite fille de la ferme voisine de chez ses grand parents et le fait qu’elle lui dise à demi mot qu’il ne lui était pas insensible le mettait mal à l’aise. Ce n’était pas tant cette révélation qui le troublait, mais plutôt le fait que lui, n’éprouvait rien de plus que de l’amitié. C’était une copine de vacances. Il avait la conscience diffuse que ça aurait été normal pour un petit garçon et une petite fille de leur âge qui traînaient souvent ensemble de finir par se dire des choses comme ça. Après tout, à l’école, il voyait plein de copains jouer à être amoureux des filles et rechercher leur compagnie pour autre chose que pour jouer aux billes et à colin-maillard. Lui, n’avait jamais regardé ses copines comme autre chose que des « copains ». il réalisa avec stupeur que venant de Francette, ces mots le gênait terriblement et il ne comprenait pas vraiment pourquoi le visage de Bruno se superposa à celui de la petite fille, l’imaginant dire à sa place qu’il aimait bien être avec lui. Voyant qu’il ne disait rien et percevant son trouble, la fillette s’empressa de changer de sujet de conversation, manifestement déçue de ne pas avoir eu la réaction escomptée.
- Je voulais juste dire que c’était sympa d’avoir quelqu’un avec qui jouer. Ici, y’a pas grand monde. Bon aller, ma mère attends les œufs. on y va ?…
* * *
...« On y va ? c’est à nous ». Je lève les yeux sur la femme en blouse qui m’adresse la parole. « Je suis le docteur Reden, votre nouveau médecin. Vous voulez bien me suivre ? ». docilement je me lève de mon siège et je suis la petite femme boulotte et souriante qui m’ouvre le chemin vers son bureau. Je pénètre à sa suite dans la pièce et je referme derrière moi la porte sur laquelle un petit bristol fraîchement collé indique :
Salle de consultation n°4
Docteur Reden
Chef de clinique
(A SUIVRE…)
Tu es déconcertant (ce n'est pas une critique bien au contraire] tu arrives à faire de l'humour dans cet univers qui ne s'y prète guère. Tu démontres une dextérités et une solidité qui impose le respect et l'admiration.
Quand je lis et relis tes écrits, je me dis que jamais je ne saurais ni pourrais être aussi fort que toi.
Juste pour finir, je voudrais revenir sur une phrase : "Même si ces chiffres me concernent ce n’est pas moi que l’on note : c’est le travail de ce microscopique hôte que j’abrite et à qui j’offre, contre ma volonté, le gîte et le couvert.". Elle fait froid dans le dos et pourtant c'est une description tellement juste de la réalite.
Bises Fabien :)
Rédigé par : Kitt67 | samedi 15 avril 2006 à 19:19
Vrai que l'impuissance est dure à vivre. Ces chiffres ne sont que des chiffres, ils ne disent pas tout. La science a encore bien du travail devant elle. Et la vie est temporaire pour tout le monde... Enfin, j'ai hâte d'avoir des nouvelles de Francette et de Bruno !
Rédigé par : Pierre-Yves | samedi 15 avril 2006 à 23:00
Je passe rapidement sur les éloges que je pourrais formuler au regard de tes écrits...les mots me manquent (et ça c'est un scoop!!)
Encore une fois tu me tiens suspendu à ton stylo...(à defaut de tes lèvres ptdr, elle etait trop facile celle là, j'ai pas pu m'empêcher ...désolé)
Quand tu écris à suivre, c'est encore pire que la fin d'une saison de desperate housewives...c'est dire!lol
Pitié, Fabien, la suite...j'en peux plus!!!
Rédigé par : dragonbleu | mercredi 19 avril 2006 à 16:22
Bonjour, je te laisse l'adresse de mon blog http://theguy-life.blogspot.com, passe le voir si tu veux. J'ai connu ton blog par l'intermédiaire de Tomdom, il a l'air sympa ton blog ;)
Rédigé par : guycal | samedi 22 avril 2006 à 15:56
Fabien, j'attends avec impatience la suite 3 des Orties de la jeunesse. Outre que j'apprécie ta façon de raconter, ton style et cet art si délicat de rester cynique sans amertume, la profondeur qui surgit de tes phrases me donne à penser que te connaître est un bonheur, voire une richesse à saisir. Même si tout ne passe que par le net ! Merci et à très bientôt
Belalbatros.skyblog.com
Rédigé par : belalbatros | lundi 08 mai 2006 à 17:09