Bonjour. Me voilà de retour. Pour ceux qui me connaissent pas, je suis Ben. Mon frère, Fabien, il a 7 ans de plus que moi et c'est lui qui écrit tout ce qu'il y a dans ce journal sur internet. Il a d'ailleurs raconté ici l'épisode de ma venue au monde. Et il m'a dit un jour que ce serait pas mal si c'était moi qui racontais de temps en temps quelques histoires que j'ai vécu. Il m'a dit que si c'était moi qui les racontais, avec mon point de vue, ce serait plus intéressant que si c'était lui qui le faisait. Alors après une première histoire, en voilà une autre.
Un jour, j’avais 21 ans. Ca fait pas si longtemps que ça en fait. C’était pas l’été dernier mais encore celui d’avant. Et à ce moment la, il est arrivé un drame dans la famille. Un truc que franchement je souhaite à personne, même pas à Jean-sébastien, un des éducateurs de mon C.A.T ou je travaille depuis plus d’un an. Jean-sébastien il arrête pas de gueuler tout le temps. Moi, je l’aime pas trop, rapport au fait qu’il arrête pas de gueuler tout le temps, même quand on a rien fait. Quand on s’amuse à faire un morpion géant en faisant des croix avec la boue de nos chaussures sur le carrelage de la salle commune qu’on dirait une feuille à carreaux géante (sans la marge rouge bien sûr), la, je dis pas, il peut gueuler. Mais même quand on a rien fait, il gueule quand même. Je crois bien que je l’ai jamais vu rigoler. Un jour, y’a même Véro, une autre éducatrice (pour les filles on dit éducatrice et pas éducateuse comme pour coiffeur ou chauffeur) qui lui a dit que ça lui ferait du bien de tirer un coup de temps en temps, que ça le calmerai et que ça ferait des vacances à tout le monde. « Tirer un coup ». c’est vrai que c’est marrant et ça défoule, mais de la à dire que ça fait du bien… Nous avec les copains du C .A.T on le fait de temps en temps, mais pour de faux. On a des pistolets en plastique et on se tire des coup dessus pour de rire, comme dans les films. Ca nous défoule. Mais personnellement, je vois pas trop Jean-sébastien faire ça. Enfin bref, Jean-sébastien je l’aime pas trop.
Pourquoi je parlais de lui déjà ? Ha oui, rapport au drame qui est arrivé et que je lui souhaite même pas. C’est toujours comme ça, je commence à raconter une histoire et après, de fil dans l’aiguille je ne me rappelle plus du début tellement j’ai les idées qui partent un peu de tous les cotés. Faut pas m’en vouloir, hein ? Je vais essayer de rester dans l’histoire, promis.
Cet été la, donc, mon frère était venu passer quelques temps à la maison. C’est la période ou il était pas très en forme et ou il a écrit une lettre à papa et maman. Je sais pas ce qu’il y avait dedans parce que je l’ai pas lue mais ça devait être un truc important vu que ça a tourneboulé mes parents et que c’est la seule fois ou je les ai entendu dire « on t’aime » à mon frère avec des yeux tout mouillés.
Enfin bref, c’était à cette période la, et plus particulièrement un soir. Je vais pas vous faire le suspense comme dans les séries à la télé ou y’a la pub qui arrive pile au moment ou la tension est dans les combles. L’histoire, je le dis tout de suite, ça concerne mon chien, Jasper.
Jasper, je l’ai depuis que je suis petit, c’est à dire des milliards d’années même si tout le monde arrêtes pas de me dire que je suis toujours petit et que je le resterai longtemps. Il est sympa comme chien, je l’aime bien et il me fais trop rigoler. Qu’est ce qu’il est con. Surtout quand il fait comme ça avec sa patte. Je peux pas trop l’expliquer avec des mots, avec des images vous comprendriez mieux mais faites moi confiance quand je vous dis que quand il fait comme ça avec sa patte il a l’air con. Attention, c’est pas une insulte parce que quand je dis qu’il a l’air con, c’est vrai qu’il a l’air con mais je l’aime bien, et comme je l’aime bien, c’est pas une insulte, c’est affectif.
Ce jour la, il voulait pas jouer avec moi. Je croyais qu’il faisait la tête pour un truc que j’aurai fais, mais non. Et puis il a vomi plusieurs fois. La première fois, je l’ai vu faire, et c’était sur le tapis du salon. Putain, c’était dégeu. Mais comme je voulais pas que maman lui file une rouste, j’ai pris mon courage dans mes mains, et son vomi aussi, pour nettoyer et pour pas que ça se voit. Comme ça, ni vu ni connu y’avait plus de trace à part une petite marque jaune que maman elle remarquerai pas. Mais il a recommencé a vomir, et la je pouvais plus le cacher. Je lui ai pourtant dis « Ho la la, tu va te faire engueuler à vomir partout comme ça », mais vu qu’il comprend jamais rien de ce qu’on lui raconte, il a continué. Au début, maman l’a enguirlandé, comme je l’avais dis, mais au bout d’un moment, comme ça faisait au moins dix mille fois qu’il vomissait et qu’il voulait plus trop bouger de son panier (à part pour vomir sur le tapis), elle s’est quand même un peu inquiétée. C’était pas normal. Le soir, quand papa est rentré de son travail, jasper il allait pas mieux alors maman et Fabien ont décidés de l’emmener chez le docteur. Enfin, chez le vétérinaire, qui est aussi un docteur mais pour les animaux, c’est à part. Les vétérinaires ils sont plus forts que les docteurs normaux, ça je peux t’le dire. Quand tu va voir un docteur normal, tu dis ou t’as mal et il te donne un médicament qui te guérit pile à cet endroit la, tandis qu’un chien il peut pas dire ou il à mal et le vétérinaire doit être vachement plus fort pour trouver d’ou ça vient et le guérir. C’est pour ça que je comprend pas trop pourquoi nous on continue d’aller chez le docteur normal alors que le vétérinaire il est vachement plus fort.
Enfin bref, revenons à saute mouton, ou a jasper plus précisément. Maman a pris le chien dans ses bras pour l’emmener à la voiture, Fabien a pris le volant et ils sont partis. Moi, je suis resté derrière la fenêtre pour les regarder partir. Il pleuvait. J’étais quand même inquiet et je pouvais pas bouger de derrière la baie vitrée. J’avais décidé d’attendre leur retour ici mais mon père m’a passé la main dans les cheveux en me disant « T’inquiètes pas mon bonhomme. C’est sûrement rien du tout. Il a du manger un truc qu’il digère pas, comme la dernière fois. Le Vétérinaire va lui donner quelque chose et ça ira mieux. Reste pas planté la » Ca m’a un peu rassuré. j’ai remis mes cheveux en place vu que mon père arrêtes pas de faire ce truc qui m’énerve de me décoiffer de la main quand il me dit quelque chose, et je suis allé regarder la télé en m’installant dans le coin du canapé d’ou je peux quand même surveiller l’allée mouillée à travers la vitre. Comme ça je ne pourrai pas louper le retour de Jasper.
C’était long, super long même. Il a bien du se passer mille heures avant que les phares de la voiture franchissent l’allée. C’est bien simple, il faisait nuit, et j’ai eu le temps de regarder un DVD en entier. Enfin quand je dis regarder, c’est pas vraiment ça, vu que j’avais plus souvent les yeux fixés sur la fenêtre que sur la télé. De toute façon, mes DVD, je les connais tous par cœur, je les ai déjà vus un million de fois.
Quand j’ai vu la voiture arriver, je me suis précipité à la porte pour aller accueillir jasper et savoir ce qu’il avait encore pu manger comme saleté pour le faire vomir comme ça. La dernière fois, il avait bouffé une taupe morte depuis des millénaires qu’il avait trouvé dans le jardin. En ouvrant la porte, j’ai vu mon frère et ma mère descendre de voiture mais le chien il est pas descendu. Il devait être caché entre les sièges comme d’habitude. Il est chiant quand il fait ça parce qu’il veut pas sortir, et il reste la super longtemps. Sûrement qu’il voulait jouer à cache-cache, et comme en plus ce soir il pleuvait, ça devait encore moins lui donner envie de sortir de la voiture. Mon frère faisait une drôle de tête quand il est entré, et ma mère c’était pas mieux, elle avait même des tout petits yeux tout rouges. Ils m’ont rien dit quand je leur ai demandé : « Alors, qu’est ce qu’il avait mangé de dégoûtant jasper ? » Fabien est allé vers mon père et lui a dit un truc tout bas que je n’ai pas entendu. Il a fait une tête bizarre et s’est rassis aussi sec sur son fauteuil. Moi, je tenais toujours la poignée de la porte « He ho, alors, c’était quoi qu’il avait jasper » que j’ai redemandé. Ma mère trifouillait dans son sac à main comme si elle avait perdu quelque chose qu’elle retrouvait pas et elle m’a même pas entendu alors qu’elle était à deux mètres de moi. Mon frère s’est assit à son tour dans un fauteuil et m’a regardé avec un drôle d’air. J’étais toujours à la porte, en train de tenir la poignée pour qu’elle se referme pas. « Bon, alors… Il avait quoi Jasper ? » que j’ai redis d’un ton plus fort et un peu énervé. C’est vrai ça, c’était énervant, imaginez vous debout en train de tenir une porte ouverte en attendant que votre chien rentre et qu’en face de vous vous avez votre père et votre frère assis en train de vous regarder bizarrement et votre mère le dos tourné à la table qui n’en finissait pas de trifouiller dans son sac à main. Et tout ça dans le silence, pas un mot. « Bonnnnnn, il avait quoi jasper ? diiiites ? » . Silence. « Bon, d’accord, je vais le chercher dans la voiture si c’est comme ça. » que j’ai finis par dire. « Attends, reste la » que j’ai entendu dire par mon père dans mon dos alors que j’allais sortir. Je me suis retourné et j’ai attendu en restant la. Mais il a rien dit. C’est ma mère qui s’est retournée pour s’approcher de moi, et j’ai eu un coup dans le cœur parce qu’elle pleurait à moitié. « Je suis désolé mon chéri, mais Jasper était très malade, et le vétérinaire a été obligé de lui faire une piqûre pour qu’il s’endorme… » . Du coup, j’ai compris que si il dormait, c’était normal qu’il sorte pas de la voiture tout seul, mais je comprenait pas pourquoi ça faisait pleurer ma mère. Non, ça, je comprenais pas. «si il dort faut aller le sortir de la voiture, il va avoir froid non ? » que j’ai demandé. Et la, mon père m’a dit la phrase. Celle qui a provoqué dans ma tête comme une tempête, un truc que je peux pas expliquer avec des mots tellement c’était… tellement c’était… Voilà, je peux pas le dire avec des mots. Parce que peut être ils existent pas pour L’ expliquer, ou si ils existent, je les connaissaient pas vu que c’était la première fois que je ressentais Ca, dans tout mon corps. Cette phrase c’était : « Benjy, ce que maman essaie de t’expliquer, c’est que Jasper est mort. ».
A ce moment j’ai commencé à avoir très chaud, super chaud. Je suis devenu immobile, je pouvais plus bouger, comme si harry potter m’avait lancé le sort du « irmobilis pertirfictus » (ou un truc comme ça), sauf que la, le sort, c’était la phrase que mon père m’a dite. Et en même temps que mon corps pouvait plus bouger, je croyais, dans ma tête, que je tombais en tournant comme une toupie. Je finissais pas de tomber dans un trou qu’aurait pas eu de fond. Je tombais, je tombais, je tombais… Et puis, je sais pas ce qui s’est passé, je me suis retrouvé dehors, sous la pluie. J’étais en train de faire le tour de la voiture en pleurant et en criant « Jasper, jasper, t’es la ? hein, t’es la ? ». Je criais en m’agrippant aux portes de la voiture pour essayer de les ouvrir. Je courais d’un coté et de l’autre en collant ma tête sur les vitres pour voir dedans. J’y voyais rien à cause de la pluie et des larmes qui me mouillaient la figure. « Jasper, Jasper ». Je tremblais super fort, c’est les nerfs. Parce que vous voyez, à cause du problème que j’ai depuis que je suis né, je suis obligé de prendre tout un tas de médicaments pour mes nerfs et pour essayer de faire croire à tout le monde que je suis presque normal. Sans ces médicaments, je contrôle pas mes émotions. Et la, à cause du sort que m’avait jeté mon père avec La phrase, les médicaments ils faisaient plus d’effets. Je contrôlais plus rien du tout. Je criais en tremblant, et puis j’étais tout mouillé à cause de la pluie. « Jasper, non… non… non… j’veux paaaaaas… » . La, les souvenirs sont brouillés. Je sais que mes parents et mon frère sont sortis pour essayer de me rattraper, ils me courraient après mais je m’en foutais. Moi je continuais à trembler et à hurler en faisant le tour de la voiture. J’ai eu une douleur dans le bras quand maman me l’a serré. « Arrêtes ben, arrêtes... calme toi... » qu’elle me criait en me secouant comme un prunier. J’étais en plein dans une crise de nerf, et dans ces cas la faut être fort pour me calmer. « Calme toi s’il te plais… s’il te plais… » . J’ai fini par me calmer un peu. Je tremblais toujours comme une feuille mais c’était maintenant surtout à cause de la pluie qui m’avait donné un froid glacial dans tout le corps. J’ai regardé ma mère qu’était aussi mouillée que moi, mon père et mon frère qui étaient la aussi. « C’est vrai qu’il est mort Jasper ? » que j’ai dis d’une voix pas très forte parce qu’ après ma crise j’avais tellement perdu mon énergie que je pouvais même plus parler normalement. « Oui, c’est vrai. Aller, viens, on rentre » qu’elle m’a dit doucement. J’ai suivi comme une marionnette. On m’a mis sous la douche pour que je finisse de me calmer. Pendant que je mettais mon pyjama vert à rayures j’ai pas pu me retenir de demander « Comment il est mort Jasper ? » . Si j’ai bien compris ce que m’a expliqué ma mère, c’est parce que il avait une sorte de crabe qui s’est installé dans son estomac. Le crabe, c’est une maladie invisible, mais quand tu le sens, c’est que c’est trop tard. Le crabe a finit par se multiplier et des petits crabes sont partis un peu partout dans son corps. Chez le vétérinaire, il a arrêté de respirer. Le docteur lui a fait une piqûre pour le réveiller, mais il était tellement fatigué que ça lui faisait trop mal. Alors il a eu une autre piqûre, mais l’inverse de l’autre. Celle la c’était pour qu’il s’endorme pour toujours : c’est ça la mort.
Après, il m’est venu une interrogation. Je me demande pourquoi j’ai pas pensé à ça plus tôt. Sûrement l’émotion. Alors, quand j’ai demandé « ou c’est qu’il est maintenant Jasper ? », ma mère m’a répondu qu’ils l’avaient ramené dans une couverture et que mon père venait de le mettre dans l’ancien garage qui est maintenant un « salon d’été » « en attendant demain qu’on l’enterre dans le jardin ». J’ai eu un autre coup dans le cœur en apprenant ça. Entendre que Jasper était mort c’était une chose, c’était que des mots, mais savoir qu’il était la, c’était plus que des mots, c’était son corps mort en chair et en os. « Je veux le voir » que j’ai dis comme ça. J’ai même pas réfléchis à ce que je disais, c’est sorti tout seul. Je croyais que ma mère allait dire non, mais elle m’a regardé sans rien dire. Si j’avais eu des oreilles supersoniques comme superman, je cois bien que j’aurai pu entendre le crrrr-crr-crrrrrrrr de ses pensées qui tournaient dans sa tête comme le bruit de notre ordinateur quand on fait un clic et qu’il réfléchi avant de donner une réponse. « Si tu es vraiment sûr que tu veux le voir, d’accord, tu peux » qu’elle a finit par me dire. Moi, j’étais pas vraiment sur de vouloir, mais je sentais qu’il fallait que je le vois. Avec mon cœur qui tapait comme un dingue j’ai traversé le couloir dans mon pyjama vert à rayures pour aller dans l’ancien garage qu’est maintenant un « salon d’été ». Quand je suis entré, il y avait mon frère qui était la. J’ai regardé tout autour de moi, et j’ai fini par le voir, dans un coin, par terre. Il y avait une couverture enroulée qui faisait une grosse bosse et je savais qu’il y avait Jasper dedans. Je me suis mis à genoux devant et j’ai attendu en regardant la grosse bosse qui bougeait pas. Mon frère s’est approché et lentement, il a ouvert la couverture. J’en pouvais plus tellement mon cœur tapait fort, et j’avais la respiration qui allait de plus en plus vite et qui faisait de plus en plus de bruit, comme si j’avais de moins en moins d’air. Et je l’ai vu… C’était assez bizarre. C’était lui, c’était son poil tout noir, ses oreilles toutes pointues, sa queue toute tordue, sa pattes toute épaisse qui faisait plus « comme ça » vu qu’il bougeait plus. C’était lui, mais en même temps, je le reconnaissait pas. Ca ressemblait plus à une peluche comme celles qu’il y a sur mon lit. J’ai eu l’émotion qu’est monté et j’ai pas pu m’empêcher d’avoir des larmes. Je me suis mis à lui parler tout haut, comme si il pouvait m’entendre. « Pourquoi t’es parti ? pourquoi tu m’as laissé tout seul ? t’es méchant, tu penses qu’a toi. ». Je le pensais pas vraiment, mais c’est sorti tout seul. En fait, j’en voulais plus au vétérinaire qui était pas si fort que ça parce qu’il avait pas soigné Jasper. Il devait le guérir et il l’a pas fait. J’en voulais aussi à mon père qui m’avait dit de pas m’inquiéter, que c’était pas grave et qu’on allait le soigner. Si les grands mentent et peuvent même pas empêcher la mort de Jasper, alors à quoi ça sert ? J’avais des larmes partout sur la figure et je les ai essuyé avec mes doigts pour continuer à y voir. En voyant mes mains, j’ai tout d’un coup pensé à mes super pouvoirs. Je tremblais un peu et sans trop savoir pourquoi, j’ai posé mes mains sur lui comme si en faisant ça je pouvais lui donner un bout de ma vie et le faire revivre. Sous son poil, sa peau était bizarre. C’était pas pareil qu’avant, plus froid, plus dur, plus mort. J’avais plus de super pouvoirs parce qu’il s’est rien passé du tout. Il a pas voulu bouger. « t’es méchant » que j’ai redis en reniflant a cause de mon nez qui coulait. Mon frère m’a dit alors doucement « non Ben, tu sais très bien qu’il est pas méchant. Ce n’est pas de sa faute, il était malade et personne n’y peut rien. C’est comme ça. C’était un gentil chien. Tu te rappelle comme il était gentil ? Ne lui en veux pas » Apres, il a doucement replié la couverture sur le corps. « Aller, il faut que tu ailles te coucher maintenant. Demain matin, on ira tous ensemble l’enterrer si tu veux bien. »
Je me suis relevé, j’avais mal aux genoux à cause du carrelage, et je suis parti dans ma chambre sans dire un mot. J’avais rien à dire de plus. J’étais triste c’est tout. En passant près du bar de la cuisine, je l’ai frôlé de trop près. Dessus y’a pleins de bibelots. Y’avait un vase qu’était trop près du bord et du coup il est tombé et il s‘est cassé en plein de petits morceaux devant mes pieds. Ma mère est venue très vite en faisant des grands pas rapides pour voir ce qui s’était passé. « Qu’est ce qui s’est passé ?… Tu m’as fait peur… » J’ai dis que j’avais fais tombé le vase sans faire exprès. Elle m’a même pas engueulé. Ce qui est bien quand on vit un drame pareil, la mort, c’est que les bêtises qu’on fait à ce moment la, ça a pas d’importance. « Ho… c’est pas grave mon chéri, je vais ramasser tout ça, t’en fait pas. File vite te coucher Benjy. ». C’est ce que j’ai fais. Mais ce que j’avais pas dis, c’est que le vase, j’avais fais exprès de le faire tomber. Oui oui, j’ai fais exprès parce que je voulais pas être gentil, je voulais pas être sage, parce que Jasper, vu que c’était un gentil chien, il est mort quand même. Et si tous ceux qui sont sages et gentil meurent, je voulais pas mourir en étant trop sage et gentil moi aussi. En faisant des bêtises, peut être que je mourrait plus tard, et si j’en faisais assez, peut être que je mourrais jamais.
Le matin d’après, je me suis levé de bonne heure. C’était un grand jour. Le jour de l’enterrement de Jasper. J’ai pris une douche en frottant bien partout pour être vraiment propre, j’ai lavé mes dents pendant trois minutes en regardant le petit sablier qui compte le temps exact qu’il faut pour se laver les dents pour qu’elles brillent et pour pas que j’aille chez le dentiste, J’ai peigné mes cheveux comme il faut pour qu’ils soient tous rangés dans le même sens, c’est important. Et j’ai mis des vêtement : un slip noir, puis deux chaussettes blanches en faisant bien attention de les remonter toutes les deux exactement au même niveau, puis un t-shirt propre (j’ai choisi le noir avec des bord blanc pour faire l’hommage à Jasper qui était tout noir avec quelques poils blancs sur les pattes et sur les oreilles), puis un pantalon, propre aussi, en faisant attention de rentrer tout le tour du t-shirt dedans, puis j’étais prêt. Je suis sorti dehors, et je suis monté dans le champs qui est derrière la maison, tout en haut du champs, la haut, près du petit bois. Mon père qui était debout bien avant moi avait déjà fait un grand trou près du vieux mur en pierre qui sépare le champs du bois. Il a fait un trou à coté de plusieurs petites bosses de terre. Faut dire qu’à cet endroit la, c’est notre cimetière. C’est la que sont enterrés d’autres animaux dont je me souviens pas vu que j’étais trop petit ou pas encore né. Il y a Billy, le chien de mon frère, Youki, le chien de mes parents, Minette, un chat qu’avait ma mère, et je crois bien qu’il doit aussi y avoir un lapin et des poissons rouges, mais je suis pas sur.
Ca a été un moment très triste. Un enterrement, c’est toujours comme ça. C’est la ou on dit au revoir à celui qui est mort. On était tous les quatre autour du trou, c’est moi qui ai insisté pour qu’on soit tous la. Il y a même ma grand mère qui est venu. Mes grands parents habitent la maison d’a coté de chez nous, c’est nos voisins. Y’a même pas de barrière entre les jardins parce qu’on est de la même famille. Mamie Lili est venu aussi parce qu’elle aimait bien Jasper, il allait souvent chez elle et elle lui donnait toujours des gâteaux ou des trucs à grignoter. Elle aussi elle était triste et elle est venu faire l’hommage en étant la à l’enterrement. J’ai voulu faire un discours quand on a mis Jasper dans le trou, parce que c’est comme ça qu’il faut faire. J’ai dis : « Au revoir Jasper » et j’ai rien dit d’autre, ça suffisait. De toute façon, j’aurai pas pu dire plus vu que j’ai senti que les larmes commençaient à remonter.
La mort, c’est quand quelqu’un qu’on aime est plus la. Un jour, il est la, il vit à coté de nous, et puis le lendemain, il est plus la, il est parti, pour toujours. Et même le jour d’après toujours, il y a encore un jour de plus ou il est plus la. Ca laisse un trou dans la vie de ceux qui vivent autour, sans lui. La mort, c’est égoïste. Parce qu’on pleure. On pleure plus pour soi que pour celui qui est parti. Parce que celui qui est mort il en a plus rien a faire vu qu’il est mort. On pleure pour soi, parce que tout d’un coup il nous manque quelque chose qu’on savait pas que c’était si important. C’est pour ça que je comprend pas certaines choses. Si on est triste parce qu’on voit plus celui qui est parti et qu’il nous manque, pourquoi est ce que les grand pleurent aussi quand ils vont à l’enterrement de quelqu’un qu’ils voyaient jamais ? Il ne leur manque pas, vu que même avant qu’il soit mort, ils ne le voyaient pas plus. C’est à ça que je pensais pendant que papa il rebouchait le trou. Ca me faisait penser au jour ou on a appris la mort d’un vieux oncle de ma famille que personne voyait jamais. On était à son enterrement, et il y avait plein de gens qui pleuraient et je comprenais pas pourquoi. Il ne pouvait pas leur manquer vu que si il était pas mort, ils ne l’auraient pas plus vu. Bon, je sais pas si je suis clair, mais moi je me comprend.
Voilà, ça s’est passé comme ça. Après que le trou a été rebouché, tout le monde est reparti. Moi, je suis resté un peu, assis dans l’herbe, histoire d’être encore un peu la avec lui. Et quand j’ai eu le cul tout trempé à cause de l’herbe mouillé, je suis rentré à la maison pour changer de pantalon et regarder un DVD.
Pas longtemps après, mais pas tout de suite quand même, mes parents m’ont fait une surprise. Ils m’ont emmené dans un endroit ou il y avait plein de chiens de toutes les sortes et de toutes les couleurs et ils m’ont dit avec un grand sourire « Va y Ben, choisi en un». Whaou, j’étais super content vous pouvez même pas imaginer. J’ai fini par choisir un petit chien marron avec des grands poils. On l’a appelé voyou. Il est sympa, je l’aime bien. Et vous savez quoi ? il fait aussi comme ça avec sa patte. Qu’est ce qu’il a l’air con quand il fait comme ça avec sa patte. Vous pouvez toujours pas vous rendre compte comme ça, mais faites moi confiance quand je vous dis qu’il a l’air con, et c’est toujours pas une insulte, c’est affectif. L’après midi, on a été jouer dans le jardin, et je lui ai dis « Tu sais, avant, il y a des millions d’années, j’avais un autre chien. Il s’appelait Jasper. Toi, tu peux pas le remplacer parce que on peut pas remplacer les gens qu’on aime, mais je t’aime bien quand même, t’inquiète pas pour ça ». il a pas du comprendre ce que je disais vu qu’un chien ça comprend jamais rien, mais il a aboyé pour me faire plaisir et pour faire semblant qu’il avait compris. Et après, je l’ai emmené jouer dans le champs, la haut, près du petit bois, près du cimetière de la famille. En passant, j’ai fais coucou à ma grand-mère qui était dans le jardin en train d’étendre du linge. Elle est gentille mamie Lili, je l’adore, mais j’aimerai bien qu’elle casse un vase de temps en temps. Histoire qu’elle arrête d’être trop gentille. Je sais pas trop pourquoi je pensais à ça d’ailleurs, pourquoi je pensais que j’aimerai bien qu’elle soit pas si gentille…
Voilà, les drames comme j’en ai vécu avec Jasper, ça arrive qu’une fois dans la vie parce que c’est trop dur.
Je ne sais que dire de peur de mal dire mais c'est très touchant
Rédigé par : Kitt67 | lundi 27 mars 2006 à 01:18
C'est le deuxième article que je lis sur ton blog. C'est le deuxième qui me fait pleurer. Pas qui me rend triste... qui me fait vraiment pleurer...
Mais je ne peux pas te dire autre chose que "Merci".
Un grand merci
Rédigé par : tomdom | lundi 27 mars 2006 à 14:43
Emu aux larmes. C'est remarquablement bien écrit. Dommage que celà ne soit pas une simple fiction. La vie est injuste.
Rédigé par : Rocambole | lundi 27 mars 2006 à 16:53
trop injuste de perdre un compagnon a quatre pattes, ça me rappelle de tristes instants, lorsque devant le diagnostic il faut décider de ne pas infliger plus longtemps des souffrances à son compagnon chéri!
Rédigé par : ecureuilgris | mardi 28 mars 2006 à 02:12
ca m'a ramené des années en arrière, à ce rendez-vous chez le vétérinaire et à mon retour à la maison où il a fallu apprendre à ma mère que notre chatte était restée là-bas... morte. Je pensais que ce n'était qu'un animal, qu'elle était morte et puis voilà. Sur le chemin, tout allait bien. Et puis quand il a fallu faire face à ma mère pour lui annoncer, j'ai compris que ce n'était pas qu'un animal, que toutes ces petites habitudes étaient fini, qu'il allait manquer une présence dans la maison, bref... les larmes me sont aussi venues, sans savoir d'où elles remontaient vraiment...
Merci à Benjy pour ce moment si fidèlement retranscrit, avec l'innocence, la profondeur et l'humour que je lui avait déjà découvert précédemment. Un vrai plaisir.
Rédigé par : Evan | samedi 01 avril 2006 à 20:27
Je reviens de temps en temps sur ce blog, et j'avoue que j'espere a chaque visite pouvoir encore lire une 'lettre' de Ben. J'avais déjà été emu par sa précedente lettre et celle-ci a encore reussit a m'emouvoir.
Je te remercie Ben de nous faire partager ces moments de vie avec autant d'authenticité.
Rédigé par : Seth | mardi 04 juillet 2006 à 03:06
nous devrions tous casser un vase de temps en temps... sait-ton jamais?...
Rédigé par : Yohann | dimanche 19 avril 2009 à 18:53