Il faut que je parle d'I. Je l'ai eue au telephone il n'y a pas tres longtemps...
I. est une fille que j'ai rencontré il y a quelques années. A l'époque, elle avait 35 ans, une joie de vivre hors du commun. Lorsque je l'ai vue la premiere fois, je ne savais pas encore que nos routes se recroiseraient.
Elle une lesbienne de 33 ans épanouie, et moi, un homo de 23 ans pleins d'illusions.
Elle a tellement la pêche, et degage tellement la joie de vivre, qu'elle a reussi à convertir une de mes amie aux plaisirs de l'amour entre femmes.
Et oui, C., une hetero mangeuse d'homme, est tombée sous son charme, et c'est un soir que C. me l'a appris.
Elle m'appelle, et me donne rendez-vous pour boire un verre, car elle veut me presenter la nouvelle personne avec qui elle est.
-Encore!!! Mais tu arretes pas.. et qui est ce pauvre garçon inconscient a qui tu as mis le grappin dessus cette fois?
-Euh, je te dis rien pour l'instant, c'est une surprise. On se voit ce soir et je te presenterai.
-Rhoooo!! et bien, c'est quoi tous ces mysteres. Tu veux rien me dire mantenant?? s'il te plait! ne joue pas aux devinettes avec moi.
-Non, je te dis rien, tu verras ce soir
-C'est un mec marié?.. c'est ça..., tu veux rien me dire parceque c'est un mec marié! et puis il a trois enfants, et tu veux pas que ça s'ebruite. Hein, dis!! c'est ça?
-Non, tu verra ce soir.
-.... Alors, il a une jambe de bois, et il est moche, et t'a pas envie que ça se sache, alors tu le cache!
Hein, dis!! c'est ça?
-Non, tu verra ce soir.
-Aller! dis le moi... Mais c'est pas grave tu sais, du moment que tu es amoureuse et heureuse, peut importe qu'il soit difforme, qu'il ait 75 ans ou qu'il ait du poil aux oreilles. Faut pas en avoir honte...Hein dis!! j'ai raison??
-Bon, tu as fini tes conneries?? Non, c'est quelqu'un qui n'est ni marié, ni grabataire, sans difformité, et sans poils aux oreilles.
-Ben pourquoi tu me dis pas qui c'est au lieu de me faire endurer toute une journée d'insupportable attente!! Tu sais que maintenant je vais passer mon temps à me me demander qui c'est. Tu es sadique, tu le sais ça?
-Oui, et j'adore ça!
-Je te hais.
-moi aussi
-bon, puisque c'est comme ça, je raccroche, et je te maudis jusqu'a ce soir.
-Si tu as que ça a faire de ta journée, va y fais toi plaisir. Mais n'oublie pas, 22h ce soir au C.H.V
-Mmmmm ok, a ce soir. en attendant passe le bonjour à.... ton copain... Il s'appelle comment deja?
-... Bien tenté, mais raté!! tu le saura ce soir.
-Je te deteste.
-Tu radote la. Je t'embrasse, et à ce soir.
-Je t'embrasse aussi, mais ça n'empeche que je te deteste.
Le soir venu, me voila arrivé au rendez-vous,en avance, curieux de rencontrer cet amant mysterieux.
5 minutes apres m'etre installé, je vois arriver ma C., en compagnie... d'une grande blonde.
Au fil du temps, j'ai appris a connaitre I. Belle, genereuse, prevenante, pleines de qualités. Peut etre en partie a cause de la bête qu'elle doit combattre depuis quelques années: un cancer.
J'ai appris a la connaitre quand on partait en vacance se bruler le dos sur les plages
J'ai appris a la connaitre quand elle faisait des rechutes et devait encore supporter une enieme chimio physiquement eprouvante. Que ses cheveux devaient laisser la place a un bandana rouge, avant de repousser de plus belle.
J'ai appris a la connaitre en faisant des soirées qui n'en finnissaient pas, à refaire le monde, toujours un verre a la main. assoifés de l'envie de vivre, ivres du desir de profiter de tout.
J'ai appris à la connaitre lors de discussions troublantes, comme cette fois, ou installés sur une terasse de bar, au bord d'une rivière elle m'a demandé:
-Et toi, tu en as peur comment de la mort?
-J'en ai tellement peur, que je ne veux pas la voir
-Moi elle me terrorise. Plus je la cotoie, plus je l'apprivoise, et plus elle me fait peur. Mais je ne crains plus de la regarder en face.
J'ai appris à la connaitre quand elle s'extasiait sur une fleur, pauvre petite fleur qui avait poussée la par hasard au bord d'une route, et personne n'y avait prété attention. C'est vrai que pourtant elle etait jolie cette fleur, perdue au bord du macadam. Pourquoi personne a part elle n'avait vu a quelle point elle est jolie?. Si elle ne nous avait pas dit de nous arreter, nous serions tous passés a coté de cette jolie vision. Ca aurait été dommage finalement.
J'ai appris à la connaitre au travers de sa peinture, car elle s'est mise a peindre. Très bien même. Sans aucune formation artistique, elle s'est levé un matin, s'est plongé dans tous les bouquins de peinture qui lui tombaient sous la main, et s'est lancée... Avec beaucoup de talent, juste guidée par ses émotions.
Je l'ai eue au telephone il n'y a pas tres longtemps, et ses toiles commencent à bien se vendre, elle est heureuse, sa santé est stable. Elle puise son energie dans sa passion, dans ses créations. Elle crée pour exister, fait un pied de nez à la maladie en semant derrière elle des tableaux, des traces immortelles de sa vision du monde. Des sentiments peints sur la toile, des couleurs, des formes. Ses angoisses et ses bonheurs que ses pinceaux transcendent.
Je l'ai eue au telephone il n'y a pas très longtemps...
Et puis, quelques semaines plus tard, je reçois un coup de fil de C.:
-Allo fabien.
-Oui, coucou ma C., ça me fait plaisir de t'entendre. Comment va tu?
-... Je t'appelle pour t'anoncer une mauvaise nouvelle fabien...
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Rechute, poumons atteints, hospitalisation, tiens bon ma puce...
detresse respiratioire, affaiblissement, detresse au fond des yeux,accroche toi...
intubation, lacher prise, ne pars pas, prend ma main...
douleurs, partout, paupières lourdes, regarde nous, bats toi...
plus de force, acceptation, des yeux qui se ferment doucement, adieu...
douce chaleur, ne plus sentir la douleur, etre bien, enfin
partir, elle est partie...
Et tout ça en 15 jours
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Deux semaines plus tard, échange de mails avec C.:
Bonjour Fabien,
la vie semble un peu moins belle quand une personne aussi importante qu'Isa n'est pas là...mais je pense que là ou elle est , elle doit mieux respirer...et nous regarder.
Mais j'ai mal
Je pense beaucoup à toi, je t'espère en bonne forme et profitant bien de cette nouvelle vie sous le soleil méditérannéen.
Je t'embrasse fort, C.
Bonjour C.
Excuse moi de ne pas avoir repondu tout de suite à ton message, mais je ne savais pas trop quoi dire, et il m'a fallu un peu de temps...
Même si je ne voyais pas beaucoup Isa, c'est quelqu'un qui m'a beaucoup touché dans mon parcours.
"Il faut continuer à vivre et à sourire"
Si Isa m'a apporté une chose, c'est bien qu'il faut, quoi qu'il arrive, continuer à se batre et à vivre. Profiter de chaque jour.
Quand j'ai annoncé à Isa ma maladie, c'etait la premiere personne du goupe à qui je le disais. Parceque je me sentais proche d'elle, de ses doutes, de ses peurs et de sa rage.
C'était un soir alors que nous étions tous au BGS, à poitiers. J'étais sorti prendre l'air, et Isa ma rejoint pour discuter.
La, je lui ai dis que j'avais envie de lui parler d'une chose me concernant, et je lui ai annoncé que j'étais seropositif.
Je garderais toujours en memoire sa reaction, comme si c'était hier:
Elle m'a regardé droit dans les yeux, m'a attrapé par le col de la chemise et m'a dit avec colère:
"-Putain, pourquoi? t'as pas le droit!!"
Elle était folle de rage. Pas contre moi, non, mais contre ces putains de coups du sort qui font basculer des vies dans une lutte sans merci contre des agresseurs invisibles. Elle était bien placée pour le savoir.
Elle a ensuite laché mon col, et m'a pris dans ses bras, me caressant le dos. J'ai craqué et fondu en larmes contre son épaule, soulagé de pouvoir me laisser enfin aller et partager un peu de ma souffrance.
Elle a pleuré avec moi, non pas des larmes de compassion, mais des larmes d'amitié et de comprehension: c'etait un partage.
On est resté comme ça un long moment, dans la rue, dans les bras l'un de l'autre, à laisser couler nos larmes sans retenue. Se reconfortant l'un l'autre, nous epanchant de nos poids respectifs, partageant nos souffrances, si differentes mais si semblables.
J'avais trouvé quelqu'un qui me comprenait et dont je comprenais le combat.
Avant de rejoindre tout le monde, elle m'a fait promettre une chose: de toujours me battre quoiqu'il arrive, de ne jamais baisser les bras et de profiter au maximum de la vie.
Aujourd'hui, plus que jamais, cette promesse resonne en moi.
Pour Isa, je continuerai à la tenir, à l'honorer. C'est ma façon de garder Isa dans mon coeur: en ne me laissant jamais aller, en vivant et profitant de chaque instant.
Je suis fier d'isa, et je veux qu'elle soit fier de moi, car j'ai maintenant une raison de plus de me battre: pour moi, et pour isa.
Son dépard est triste, oui, et j'ai pleuré, mais pour elle, céline, il faut vivre, aimer, profiter et sourire à la vie.
Profiter pleinement de la vie ne veut pas dire se forcer à etre heureux et sourire bêtement quoi qu'il arrive.
Profiter pleinement de la vie c'est:
-Etre soi même
-Vivre entirement ses émotions
-Pleurer quand on a mal, sans retenue
-Rire aux éclats
-Sourire aux petits bonheurs qu'on néglige de trop
Ouvrir ses volets le matin, et respirer à plein poumons devant ce nouveau jour qui se leve et garder en tête que c'est le premier jour du reste de sa vie.
Prendre une minute pour lever les yeux vers le soleil et le laisser doucement nous rechauffer, laisser le vent nous caresser et la pluie nous rafraichir
Vivre pleinement c'est aussi aimer, et dire je t'aime aux gens qui comptent, la, tout de suite, sans attendre...
La vie est belle malgrès tout...
Vis, aimes, profites... pour toi
Vis, aimes, profites...pour ne pas laisser vaine et inachevée la lutte d'isa.
Vis, aimes, profites... pour tout ce qui reste à venir.
Je t'embrasse
Je t'aime.
Fabien.
Fabien,
ton message résonne profondément en moi, je te ressens toi et je ressens Isa...tous les 2 unis dans votre lutte quotidienne pour la vie, la lutte contre cette épée de Damoclès, la lutte qui vous faire embellir notre vie.
Isa a embelli ma vie et chacun de tes messages me donne de l'espoir et une énergie nouvelle pour profiter pleinement de chaque minute qui passe.
Je te remercie de m'avoir raconter ce moment intense que tu as partagé avec Isa...cela me fait du bien d'entendre parler d'elle comme cela. J'aimerai pouvoir crier combien elle était généreuse, aimante, battante, joyeuse, fantaisiste et parfois capricieuse et combien je suis fière de ce qu'elle a fait de sa vie (et de la mienne).
Je l'entends encore dire de toi avec une voix pleine de tendresse et d'admiration (c'était le soir de ma thèse) : " C'est vraiment un gentil garçon , ce Fabien" Elle savait ce que tu vivais, vous vous compreniez, elle te comprenait.
.
Merci.Je t'embrasse, je t'aime, C.
Et je l'ai eue au telephone , il n'y a pas tres longtemps....
Que d'émotions dans ton blog 'aujourd'hui
on ressent tes sentiments à fleur de peau
le départ d'une personne qui nous est chère est toujoursune cassure avec la vie, nécessitant un deuil
mais est ce vraiment un départ? n'est ce pas une renaissance dans une autre dimension, un monde sans douleur ni souffrance?
On est là...
Rédigé par : Andrew | dimanche 17 avril 2005 à 22:03
-Pleurer quand on a mal, sans retenue
-Rire aux éclats
-Sourire aux petits bonheurs qu'on néglige de trop
tout est dit, je crois. C'est deja tellement difficile de tenir ces résolutions là quand on va bien, et pourtant... Pourtant il faut :)
Rédigé par : garfieldd répond au courrier des lecteurs | lundi 18 avril 2005 à 20:13
Ouf...Je suis tombé sur ton blog par hasard... Cette entrée surtout m'a touchée. Très belle, pleine de retenue et d'émotions en même temps. Continues à nous faire partager tes émotions comme cela, c'est rare. Et en faisant partager ce qu'on a vécu, c'est là qu'on l'on réussit à transformer un peu la souffrance qui nous habite.
Je passerai te lire régulièrement dorénavant.
Laurent
Rédigé par : laurent | lundi 18 avril 2005 à 22:34
rien à dire, juste en passant. Tendresse
Rédigé par : phil | jeudi 21 avril 2005 à 17:48
Simplement boulversant. Et vrai.
Merci
Rédigé par : Evan | dimanche 24 avril 2005 à 04:10
:-)
merci
Rédigé par : damien | mercredi 11 mai 2005 à 22:55
Je suis passé complètement par hasard sur ton blog, et je crois que ça faisait longtemps que je n'avais pas été touché ainsi. La journée ne fait que débuter, mais j'ai l'impression qu'elle ne sera que meilleure maintenant. Ton histoire et celle de Céline m'a fait prendre conscience de pas mal de choses.
Bon courage à Céline et à toi.
Rédigé par : Nick'O | lundi 31 octobre 2005 à 09:52