Aujourd'hui, 15 février.
Il y a un an jour pour jour, c'était la dernière fois que je faisais l'amour avec J.
Je m'en souviens dans les moindres détails, comme si inconsciemment je le savais, comme si tous mes sens s'étaient exacerbés afin de retenir chaque instant, afin de graver à tout jamais cette dernière fois dans ma chair et ma mémoire. Pour que jamais je n'oublie.
Déjà, rien n'allait plus entre nous depuis quelques semaines avant ce 15 février.
Un dimanche matin qui avait commencé de façon un peu tendu.
J. était scotché sur internet, en train de chatter: excuse pour s'échapper de l'appart tout en restant la, à mes cotés. Physiquement présent mais enveloppe vide, l'esprit ailleurs. Je mourrai d'envie de débrancher l'ordinateur, de le tirer par le bras en lui disant que j'étais la, que certes je n'étais pas au mieux de ma forme, mais que j'étais encore la, que je pouvais reprendre les choses en main.
Au fond, c'est peut être ce qu'il attendait de moi: que je réagisse, que je le ramène de force avec moi, lui qui n'avait plus le courage de lutter pour deux. Il avait peut être envie lui aussi de se laisser prendre par la main et de se reposer sur moi...Mais je n'ai rien fais, reculant encore une fois devant les décisions.
J'ai ravalé mon envie de couper le compteur, de peur de l'éloigner encore plus. Je pensais peureusement qu'il valait mieux ne rien faire plutôt que de prendre une décision dont je n'étais pas sûr des conséquences.
Le laissant discuter avec des inconnus virtuels,alors que nous aurions eu terriblement besoin de nous parler de notre réalité, je suis parti faire un jogging.
A mon retour, transpirant, et a bout de souffle, je l'ai trouvé a la même place, devant l'ordinateur. Sans un mot, je me suis installé sur le banc de musculation qui était dans la même pièce que l'ordinateur, et j'ai commencé à me défouler. Évacuant ma frustration de ne pas pouvoir communiquer avec l'homme que j'aimais.
Et puis il s'est levé pour aller se faire un café, il s'est arrêté a coté de moi et m'a regardé.
J'étais en sueur, assis sur le banc, en train de reprendre mon souffle, et je l'ai regardé.
Nous sommes restés un bon moment ainsi, sans bouger, sans parler, juste les yeux dans les yeux. Avec mon regard, je lui criai mon amour et mon désespoir devant les incompréhensions qui nous éloignaient et nous déchiraient depuis quelques temps.
Dans ses yeux, je lisais de l'amour, mais aussi de l'impuissance devant ce qui nous arrivait et de la nostalgie devant ce qui n'était plus que l'ombre de l'homme plein de joie de vivre du début de notre relation.
Et sans un mot, nous nous sommes jetés l'un sur l'autre. nous nous serrions le plus fort possible comme pour nous convaincre que tout était comme avant, comme avant que nos petites failles ne deviennent des crevasses infranchissables nous laissant les mains vides de l'autre, chacun sur une rive.
Arrachant nos vêtements, pour nous rapprocher encore plus: ne laisser aucune barrière physique entre nos deux corps, comme si ça suffisait à abattre toutes les autres.
Se touchant avec frénésie, se rappropriant chaque parcelle de nos corps milles fois explorés.
Dévorant des yeux et de la bouche chaque recoin de peau, passant du cou à l'oreille, de l'épaule au torse, de la cuisse au nombril; passant de l'un a l'autre fébrilement, désordonnés et frénétiques.
Nous nous remplissions avec avidité l'un de l'autre, comme si nous savions que ce moment d'intimité serait peut être le dernier.
Nous avons fait l'amour la, sur le banc de muscu et sur la moquette, avec toute la passion et le désespoir des adieux.
Nous avons joui tous les deux.
Après, mes souvenirs reprennent leurs teintes un peu floues.
Pendant que ce moment de jouissance et de fusion refluait et que nos démons se réinstallaient en se rappropriant l'espace de nos vies, nous nous sommes sourit, chose rare ces dernier temps.
Mais un sourire triste, comme un constat, un moyen de faire comprendre à l'autre qu'on savait tout les deux que c'était peut être la dernière fois qu'on jouissait ensemble.
La suite idéale aurait été qu'après ça, mais juste après, dans les minutes qui suivirent, on se sépare. Qu'on prennent nos valises, et qu'on s'éloigne sans un regard en arrière, nous enfonçant chacun dans son brouillard pour chercher sa lumière sous d'autres cieux. Partir chacun de son coté, seuls, pour lécher nos plaies en paix, cicatriser avant de pouvoir reprendre une vie sereine et apaisée, l'un sans l'autre, et ne garder de chacun que les bon et doux souvenirs.
Suite idéale. Très douloureux à faire, mais idéale.
Imaginer que vous deviez vous amputer vous même d'un membre avec une scie: théoriquement il faudrait le faire en serrant les dents, le plus vite possible pour faire une coupure nette qui cicatrisera rapidement. Au lieu de ça, on a peur. Peur d'avoir mal.
On hésite, on dit non, on recule.
On pleure, on a des crises de nerf la scie à la main, les yeux sur ce membre auquel on s'est attaché, qu'on aime. On imagine pas pouvoir vivre sans. on se refait mille fois dans sa tête le film de sa douleur a venir. On a mal a l'idée d'avoir mal.
On a mal et puis on crie, on pleure, on hurle son désespoir avec des soubresauts hystériques.
Finalement, on commence à scier, doucement, trop doucement.On sait que c'est encore plus douloureux d'aller doucement, mais on arrive pas à aller plus vite, à y aller franchement.
Et puis c'est trop long, on se charcute, on se découpe par lambeau, on saccage tout.
C'est mal fait, tout déchiqueté.
Au bout du compte ça prendra beaucoup plus de temps à cicatriser, si tant est que ça cicatrise un jour.
Un moignon purulent que guette la gangrène et qui met trop longtemps à guérir, voila tout ce qu'on gagne à ne pas y aller franchement. Mais peut-on humainement s'amputer ainsi, en mettant son affect et sa sensibilité de coté?
Après notre baroud d'honneur sur le banc de muscu, on est parti chacun de notre coté. Je voulais me persuader qu'il y avait encore de l'espoir pour notre couple.
Les semaines qui ont suivis n'ont été qu'une successions de moment douloureux. Nous déchirant en essayant de recoller des morceaux qui ne s'imbriquaient plus. Tentatives pathétiques. Et puis il a été plus vite que moi pour oser dire les mots de la fin: "il faut qu'on se sépare"
Maintenant, un an après, je n'ai toujours pas cicatrisé. J. est toujours la, dans ma tête. Comme un membre fantôme chez un amputé.
Je me rend à l'évidence. Il me manque toujours autant. je l'aime encore et ça me fait mal.
Ce serait tellement plus simple si on s'était séparé alors qu'il n'y avait plus d'amour de part et d'autre.
Ce serai tellement plus simple si on se détestait.
J'ai eu beau mettre de la distance, mettre tous ces corps entre nous. Sentir toutes ces peaux se frotter à moi pour enlever ton odeur, rien n'y fait.
Je me suis offert à tous ceux qui me voulaient pour te chasser.
En vain: a chaque fois qu'un corps me passait dessus, c'est toi que je sentais en moi.
Je me suis fais abstinent pour me plus rien sentir du tout.
En vain:
Je n'ai réussi qu'a être une pute frigide ou une vierge obsédée.
J'ai fais l'amour avec J. pour la dernière fois il y a un an. On est séparé depuis 10 mois.
Je l'aime encore, mais ça va mieux.
Un peu mieux.
Avec le temps, avec le temps, va, tout s'en va...
merci
G découvert récemment les blogs et g découvert le tient aujourd'hui.
Bon tu me pardonnera la futilité de ce commentaire (mon premier!!!!!!) mais g ke 19ans!!!!
J'adore ta plume et tu décris tes émotions a merveille. je suis sur ke beaucoup ont ressenti les mêmes choses ke toi, je ne trouve pas les mots pour exprimer mon admiration face à ton optimisme contagieux. merci encore. méfie toi, on pourrait t'aimer rien k'a travers ta plume!!!! Mais ne prend pas la grosse tête je préfere kan même Amelie Nothomb a toi!!!!!!!
Rédigé par : damien | mercredi 16 février 2005 à 21:39
Salut!
Je prends également beaucoup de plaisir à te lire; tes textes sont forts!
Il est vrai que malgré une époque où on a tout dans l'instant, il n' y a qu'avec le temps que les blessures humaines s'atténuent... Le plus dur c'est de vivre avec en attendant, une parole, un détail, qui enlèvent tout sentiment d'un coup!
Au plaisir de te lire...
Rédigé par : ptitloup | vendredi 18 février 2005 à 12:36
il est moins douloureux d'apprendre à tourner les pages plutôt que de devoir les déchirer... mais bon sang que c'est dur les souvenirs !!!
Rédigé par : garfieldd répond au courrier des lecteurs | vendredi 18 février 2005 à 19:27
une fis de plus...
chaque fois c'est ce que j'aime ...
On tourne la page...mais on laisse le livre ouvert...
Rédigé par : celle qui ecrit | jeudi 03 mars 2005 à 15:44
Bonjour Fabien, très beau texte ! Je connais les histoires longues à oublier...elles sont notre joie et notre croix ! C'est dur, mais c'est mieux que de passer à autre chose au bout de quinze jour. Mieux vaut souffrir avec du caractére que d'être heureux et un peu vide !
Philippe
Rédigé par : Philippe | jeudi 10 mars 2005 à 01:54
Ah le salaud !
Tu m'as fais chialer comme une vieille fiotte avec la lettre de tes parents. Et dire que je croyais que je n'étais pas pourvu de larmes !
- MERCI -
Plein de courage à toi.
Rédigé par : jonat | samedi 16 avril 2005 à 14:02
bonjour,
fabien,merci pour tes lignes,pardon de t'avoir fait tant souffrire.
tu me manques.....
j.....
Rédigé par : jerome | mardi 31 mai 2005 à 08:45
malgrès une certaine proximité retrouvée, tu me manque aussi...
Rédigé par : fabien | jeudi 09 juin 2005 à 20:05