Je n'ai rien posté sur mon blog depuis une semaine. Rien a raconter? ou plutôt tellement à dire que je ne sais pas par quoi commencer.
Ca y est, on est en 2005. Bonne Année!!!! Je ne sais pas pourquoi, mais en disant ça j'ai un éspece de goût amer dans la bouche.
2004 vient de s'achever, mais ses sequelles sont toujours la, et ne sont pas prets de s'effacer.
Pour resumer cette année, je ne vois rien de mieux que cette lettre que je vient de retrouver sur mon ordinateur: lettre adressée à mes parents cet été, alors que j'etais au plus mal.
Papa, Maman,
Ne soyez pas étonnés de recevoir une lettre de ma part.
Il y a beaucoup de choses que j’aimerai vous dire, mais je n’ai jamais trouvé le courage de le faire. Courage ou pudeur, je ne sais pas. C’est vrai que dans la famille, on n’est pas très habile pour se parler. Malgré nos envies réciproques de se confier et de discuter à cœur ouvert, il y a toujours eu de la retenue entre nous. Timidité, pudeur, tabous, je n’en sais trop rien. On est comme ça…
Actuellement, je sens bien que je suis à bout. Je me renferme encore un peu plus chaque jour, je me rends compte que je suis agressif et à fleur de peau. Je ne suis pas bien dans ma peau et j’enrage de voir que tout fout le camp dans ma vie. Je n’ai pas une très haute estime de moi en ce moment, et j’ai du mal à voir le bout du tunnel. Il faut vraiment que les choses changent pour pouvoir me retrouver et ne pas continuer à sombrer.
Toujours est-il que je vous écris aujourd’hui pour vous dire des choses pas évidentes sur moi. Des choses que j’ai retenues en moi et qui me pèsent. Des choses dont j’ai eu mille fois envie de m’ouvrir à vous, parce que vous êtes mes parents, et que je vous aime comme un fils peut aimer ses parents, c’est à dire profondément et indéfectiblement, malgré nos différences, les non-dits et la distance un peu maladroite que nous gardons.
Il y a un peu plus de quatre ans et demi déjà, je suis tombé malade. Vous vous en souvenez très certainement, c’était en novembre1999. officiellement il s’agissait d’une mononucléose infectieuse. Officiellement seulement. Malheureusement il ne s’agissait pas du tout de ça. Les médecins ne savaient de quoi je souffrais, et se sont longtemps trompés de diagnostic, jusqu'à mon premier séjour à l’hôpital d’Angouléme fin décembre ou j’ai appris de quoi il retournait : j’étais séropositif au v.i.h, et je déclenchais une primo-infection, première réaction immunitaire à l’entrée du virus dans le corps. Je suis, depuis, sous traitement pour essayer d’enrayer l’action du virus.
Si je ne vous l’ai pas dis tout de suite c’est que j’étais sous le choc, et je me suis peu à peu renfermé avec ce fardeau à porter. Et puis, le temps passant, j’ai gardé le silence, déchiré entre le besoin de vous le dire et la difficulté de vous annoncer ça, mort de peur à la pensée de vous faire de la peine. N’ayant pas envie de rajouter encore un poids sur vos épaules. Et aussi, je dois bien l’avouer, par peur de vous décevoir. Je sais que c’est stupide, mais en tant que fils j’ai toujours au fond de moi l’envie de montrer à mes parents qu’ils peuvent être fiers de moi et que tout me réussi dans la vie. Déjà, assumer devant mes parents des choix de vie qui ne sont pas ce qu’ils espéraient ou attendaient n’est pas une chose facile, mais devoir ensuite vous dire que j’étais séropositif était au-dessus de mes forces. Je voulais vous épargner…
Je savais bien qu’un jour ou l’autre je devrai vous le dire, parce que vous avez le droit de savoir, parce que j’ai besoin de vous, de votre soutien, parce que vous êtes mes parents.
Tout ce que je souhaite dans la vie, c’est être heureux, et rendre heureuses les personnes qui m’entourent. Pas évident, mais j’essaie tant bien que mal…
Après avoir appris pour la maladie, j’ai eu l’impression que le monde s’écroulait autour de moi. J’ai perdu tous mes repères. Je ne me voyais plus aucun avenir, et pour me protéger je me suis replié sur moi, vivant au jour le jour, ne cherchant plus à voir beaucoup plus loin que le lendemain, pour me préserver et ne pas penser… Tous mes rêves, mes espoirs, mes projets d’avenir se sont évanouis. Ils me faisaient mal. A quoi bon avoir des rêves si je ne suis plus la pour les réaliser ??
C’est un peu pour cette raison que j’ai laissé s’effilocher mes études et que j’ai arrêté de préparer le CAPES, je n’en voyais plus l’utilité dans l’état d’esprit dans lequel je me trouvais.
Je suis devenu serveur, boulot qui me convenait très bien, travail prenant qui m’amusait, me faisait rencontrer du monde, discuter, mais qui surtout me permettait de ne pas me projeter dans un avenir que je ne voyais pas ; qui ne m’appartenait plus.
De fil en aiguille j’ai pris des responsabilités et je suis devenu responsable de restaurant. Ca me suffisait, je gagnais plutôt bien ma vie. Je m’étais construit une bulle qui me permettait de travailler beaucoup sans avoir à me préoccuper de quoi que ce soit et me permettait de vivre au jour le jour sans penser a demain.
Et puis un jour, j’ai rencontré J.…Je sais que ce ne sont peut-être pas des choses à faire que de parler de sa vie sentimentale à ses parents (quoique, je n’y vois pas grand mal…), mais sachez que je suis tombé amoureux comme jamais je ne l’ai été de ma vie, et je suis certain que ça à été réciproque. Le coup de foudre existe, je le sais depuis que j’ai vu Jérôme la première fois.
Je l’ai mis au courant très rapidement de ma situation. Aveu délicat mais nécessaire pour commencer une relation sur des bases solides et honnêtes. Il a très bien pris la chose, ça n’avait pas d’importance pour lui du moment que nous nous aimions . Et nous nous aimions. Grâce à lui, j’ai été le plus heureux des hommes.
Petit à petit, j’ai envisagé la vie sous un angle un peu différent. J. est un garçon plein d’idéaux, de rêves et d’envies. Non sans mal, je dois bien l’admettre, il a réussi à faire tomber beaucoup de mes barrières. De vivre au jour le jour, la tête baissée pour ne pas voir de quoi demain sera fait ou ne sera plus, j’ai doucement levé les yeux vers la vie et l’avenir. Doucement, je me suis remis à rêver, à avoir envie de faire des projets. Ca a pris du temps, ça a été difficile, avec des moments d’angoisse et de doutes.
Ca n’a rien d’évident de vouloir mettre à terre tous les murs et les remparts que je m’étais efforcé de construire autour de moi, croyant ainsi me protéger de ma souffrance et de mes peurs. J. a été ma béquille, ma bouée, mon phare dans ce combat qu’il a mené avec moi et pour moi.
Mais la maladie est la et bien la. Elle me rattrape à chaque fois que je n’y pense plus. Elle est comme une épée de Damoclès toujours suspendue au dessus de ma tête. Quand le soleil brille dans ma vie, il y a toujours cette ombre, cette connerie, qui fait que tout ne peut pas être bleu et beau : ces tonne de médicaments à prendre tous les jours à heures fixe, cette fatigue quasi permanente qui me pèse, ces effets secondaires du traitement qui me mettent les intestins et l’estomac en vrac, ces visites régulières chez les médecins, à l’hôpital, ces prises de sang à répétition….. Et ce virus qui prend un malin plaisir à reprendre le dessus dés qu’il sent la moindre faille dans mon combat pour l’oublier et sourire à la vie.
Mais grâce à l’amour, je savais que j’étais sur la bonne voie. De toute façon, je n’avais pas le choix…
J. parlait beaucoup de projets, d’avenir, de changements. Il avait envie de PACS, des rêves d’enfants (au sens propre comme au figuré), de maison ensoleillée ; en un mot, toutes les envies d’une vie. Mais, j’avais peur, je détournais la conversation. Je sais très bien qu’au fond de moi j’avais les mêmes envies, les mêmes rêves, mais je me les interdisais encore. Je n’osais pas les formuler de peur de ne jamais les toucher un jour du bout des doigts. Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve. Je n’étais pas encore prêt.
Moi, j’avais besoin de mes repères, de savoir que chaque jour je ferai telle et telle chose, que j’irai travailler, que j’irai acheter ma baguette au coin de la rue, que mes journées étaient réglées comme du papier à musique. C’était un moyen de me rassurer, de me raccrocher aux choses du quotidien pour éluder ma peur du lendemain.
Alors qu’au fond je mourrai d’envie de dire à J. : « on y va, on fonce, construisons-nous notre avenir », je laissais ma faiblesse et mes terreurs prendre encore le pas sur le Fabien que je suis en réalité.
Mais j’étais sur la bonne voie…..
J. a réussi à me convaincre de partir à Lyon, l’occasion dans un premier temps de me reposer d’un boulot prenant, et surtout l’occasion de concrétiser des projets, de démarrer une vie nouvelle et nous construire. Mais au bout du compte, rien est allé comme nous le voulions et comme nous le rêvions…
Et aujourd’hui je suis ici, seul. J. ayant voulu mettre un terme à notre relation. A qui la faute de la rupture? Je ne peux pas le dire, je n’en sais trop rien. Un peu ma faute, un peu la sienne, un peu personne et tous les deux… « Rupture à tord partagée » : conclusion en termes froids et impersonnels qui cachent une montagne de souffrances et de déchirements que nous avons dû traverser l’un et l’autre.
Ces deux bras tant aimés qui m’enlacent et me serrent contre un cœur qui bat à l’unisson du mien. Deux pulsations qui se mélangent et se confondent jusqu'à ne devenir qu’un seul battement, fusion ultime d’un amour heureux. Tant de choses partagées en un an et demi. Prémices d’une longue histoire, de ce qui aurait pu être et qui ne sera jamais.
Ca y est, les vannes s’ouvrent, les souvenirs reviennent et les images déferlent, se bousculent. Moments de bonheur intenses et enivrants ou plus rien ne comptait que nous.
Aujourd’hui, il n’y a plus de nous. Il n’y a que lui, loin de moi, qui me manque, qui souffrait d’avoir du endosser des fardeaux trop lourds ; et il y a moi, loin aussi, mais pas encore parti, qui souffre, me raccrochant et m’écorchant à chaque parcelle d’espoir avec l’énergie du condamné. J’écope à la petite cuillère ma grande carcasse vide fendue d’une brèche immense. Lutte dérisoire mais je ne me laisserais pas couler sans rien faire.
Et ne rien faire, c’est mon quotidien depuis presque trois semaines que je suis rentré à la maison. Je me sens couler, entravé dans mon déchirement de n’être plus avec le garçon que j’aime, entravé dans les méandres d’une maladie, dans mon sentiment d’inutilité à ne pas travailler. Je sais que pour me sortir la tête de l’eau il faut que je reprenne ma vie en main.
Un grand reproche que l’on me fait souvent, et que je reconnais, c’est de ne pas assez vivre pour moi, mais pour les autres et au travers des autres. Faire des choix en fonction des autres, pour ne pas heurter, pour faire plaisir et donner un peu de bonheur. Mais ce faisant, on s’oubli un peu trop. C’est un état d’esprit que je crois toujours avoir un peu eu mais qui s’est beaucoup développé avec la maladie : en effet, penser au bonheur des autres et à leur bien être dans toutes mes actions était plus facile que de penser à moi. « A quoi bon penser à moi si je ne suis plus la demain » était un peu ma philosophie imbécile.
Etre une âme charitable c’est bon uniquement pour ceux qui ont peur d’assumer des positions dans la vie : c’est mon cas. Il est toujours plus facile de croire en sa propre bonté que d’affronter les autres et de lutter pour ses droits personnels.
Je me rend bien compte que pour que je sorte de cette déprime ou je m’enlise il faut que je pense un peu à moi, et rien qu’a moi. Que je m’accomplisse, par moi, et pour moi, quitte à ne pas forcement faire ce que l’on attend de moi. Et c’est bien la ou j’ai besoin de vous. Je sais que vous ne voulez que mon bonheur et que vous ne voulez que m’aider. Les démarches que tu fais, papa, pour me trouver du travail, les attentions que tu me témoigne, maman, et la préoccupation qui se lit sur vos visages à chaque fois que vous me regardez, tout cela me touche énormément. Croyez-le.
Malgré tout, un projet de vie prend forme depuis quelques temps dans mon esprit, et c’est mon moteur pour tenir le coup en ce moment. Je suis au creux de la vague et le seul moyen de m’en sortir est de recommencer une nouvelle vie ailleurs, une vie que je veux me construire moi-même, guidée par mes choix et mes envies.
J’ai envie de m’installer dans le sud, envie de trouver un appartement à Montpellier, de trouver un travail par moi-même la bas. Pourquoi Montpellier ? Parce Que c’est prés de la mer (J’ai envie de mer…), dans une région ensoleillée. Et puis c’est une ville qui m’attire ou je ne connais personne. Un cadre idéal pour reconstruire une nouvelle vie ou je pourrai m’occuper de moi, et penser à moi.
Il y a deux choses qui empêchent une personne de réaliser ses rêves : croire qu’ils sont irréalisables et la peur de s’engager sur un chemin dont on ne connaît pas l’issue, dans une vie tissée de défis inconnus dans l’éventualité que les choses auxquelles nous sommes habituées paraissent.
Cette peur de l’issue incertaine, je la vie tous les jours avec la maladie, alors je veux la combattre sur un autre terrain : en croyant à mes rêves et en suivant mes envies. C’est la meilleure des thérapies qui puisse être et c’est vraiment le défi que j’ai envie de relever maintenant.
Dans cette histoire, j. m'a apporté plus que personne n'aurait pu me donner. Il m'a redonné la vie. Mon seul regret, c'est que ce faisant, notre couple n'a pas pu survivre. Je l'ai rencontré trop tôt. Mais s'il n'avait pas croisé mon chemin à ce moment la, est ce que je serai encore la pour être maintenant prêt a vivre une histoire d'amour comme je la revais avec lui ? c'est un peu l'histoire de l'oeuf et de la poule!
Maintenant, vous en savez en grande partie pourquoi je ne suis pas "tres en forme" en ce moment.
Et j’ai besoin de votre soutien.
Je sais très bien que les projets dont je viens de vous faire part peuvent vous paraître insensés et déraisonnables, voire vous faire un peu peur, et que vous avez peut être envie de vous y opposer, par crainte que je ne réussisse pas ou par volonté de me garder plus prés de vous. Sentiments que je peux parfaitement comprendre, mais qui ne résoudraient en rien mon état de santé ni mon mal être. Bien au contraire.
J’ai besoin de votre soutien, non pas pour que vous me disiez si vous approuvez ou non mes choix (ça ne vous empêche pas de me le dire…) mais surtout pour que vous me disiez que vous me comprenez et que vous respectez mes intentions et mes envies. C’est une chose importante pour moi que d’avoir, sinon votre approbation, du moins votre compréhension et votre soutien.
Il faut vraiment que les choses bougent vite car je n’en peux plus. Je suis au bord du gouffre et chaque jour qui passe à me voir ainsi me rend fou. La première des choses que je compte faire avant de mettre en œuvre tous ces projets sera de partir en vacance, j’ai besoin de prendre l’air et de voyager pour me ressourcer.
Voilà…. Ces quelques pages assez décousues j’en ai bien peur, vous auront j’espère permis de me comprendre un peu mieux.
Tout ce que je veux, c’est être heureux et rendre les gens heureux autour de moi. Pas évident, mais j’essaie…
J’espère ne pas vous décevoir, je vous aime et j’ai besoin de vous.
Tout ce qui ne tue pas nous rend plus fort, alors choisissons d’être fort, ça vaut le coup.
Fabien.
Ca, c'était en juillet dernier. Au milieu de cette année 2004. A la relecture de cette lettre, tous les evenements de l'année me sont revenus en mémoire, un an d'errances.